Par Alice Mugnier Victor F est un Frankenstein moderne. Après la leçon politique du Prince de Machiavel proposé par Laurent Gutmann en octobre 2015 au théâtre de la Croix-Rousse, le metteur en scène-dramaturge est de retour avec une nouvelle belle réussite. A travers cette adaptation du célèbre roman de Mary Shelley, Laurent Gutmann remet l’histoire du savant fou au goût du jour et réussit son pari d’actualiser la vieille histoire de Frankenstein.
Auteur : Alchimieduverbe
La poésie sauve-t-elle le monde ?
S'il faut à tout prix attribuer à la poésie une valeur, on peut proclamer sa faculté à stimuler l'émerveillement face à l'altérité et à considérer toute différence comme l'occasion d'une découverte. Dans une époque marquée par le repli sur soi et le rétrécissement des idées autour de valeurs régressives, la faculté d'émerveillement tient une place sanitaire.
Jeanne Au Bûcher de Honegger et Claudel dans une mise en scène de Roméo Castellucci
Chaque tableau de cette Jeanne au Bûcher est une énigme dont les sens s'affrontent et se ruent dans les élans et les fulgurances de la dramaturgie. La dramaturgie enlève presque tout le pathos et tout le tragique de cet oratorio pour les remplacer presque par une sorte de rêverie poétique, où le réel fissuré et souterrain serait enfin accompli non par l'idéologie qui érige Jeanne d'Arc en une figure souveraine qui incarnerait la nation française, mais par l'art, qui sous le prisme de Roméo Castellucci, retranscrit sa souffrance et son martyr physique en redonnant au livret de Claudel l'exécution de la suave terreur de la liberté...
Hotel Feydeau d’après Georges Feydeau dans mise en scène de Georges Lavaudant
Toute l’ironie de cette mise en scène repose sans doute sur l’abandon des illusions d’antan : pas plus d’amour que de lyrisme, ni même la recherche attendrie de quelconques circonstances psychologisantes, mais un affront gratuit visant à faire valoir sa position dans l’échiquier social, et surtout conjugal.
« Tartuffe, nouvelle ère » par la compagnie des Lumas dans une mise en scène d’Eric Massé
Mais la force de la pièce réside dans sa capacité à mettre en lumière la totale inversion morale qui se produit dans cette famille ordinaire. Le célèbre écrivain britannique Salman Rushdie – qui a sorti récemment "Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits"- victimes des foudres du totalitarisme avec une fatwa qui pèse sur sa personne, décrit cette situation ainsi: "les agresseurs se considèrent comme des victimes". Même si Tartuffe est l'original du mal, tout se passe comme s'il fallait s'excuser auprès de lui. La parole critique est interdite car elle est nécessairement coupable, tout du moins aux yeux d'un Orgon aveuglé.
La Famille Royale dans une adaptation et une mise en scène de Thierry Jolivet et de la Meute-Théâtre
Le spectacle adule la peur et souffre de mythiques hurlements, son stuc a quelque chose de mystérieux, d'énigmatique et en même temps de totalement halluciné. Il en est ainsi parfois des grandes fresques qui pour survivre au temps, inventent des pulsions, libèrent des corps et inondent d'une lumière ravageuse, l'éternelle nuit des salles de spectacles...
