Critique de spectacle, Edinburgh International Festival EIF, Festival d'Edinburgh 2017

Rhinoceros by Murat Daltaban & Zinnie Harris

Pour l’édition 2017 du Festival International d’Edinburgh, L’EIF

La disparition de l’humanité…

Rhinocéros est une pièce intemporelle. Le point fort de cette mise en scène est de ne pas tenter d’actualiser cette pièce éternelle mais de comprendre qu’elle se suffit à elle-même toute seule. Deux éléments seulement, l’affiche et l’utilisation de la musique orientalisante, attirent l’attention du spectateur sur la contemporanéité de la situation, mais le propos reste aussi vif qu’à l’époque.

La scénographie amplifie l’aspect universel et éternel de cette mise en scène : elle repose sur un espace blanc, pur et vide, dans lequel les habits des personnages, pleins de couleurs, ressortent. Petit à petit une uniformisation de l’espace se produit, puisque les personnages disparaissent progressivement. Les rhinocéros ne sont pas montrés, ils existent par l’utilisation remarquable de la lumière ; quant aux transformations, elles se font par l’application uniforme d’une peinture blanche qui annihile l’individu et le rend invisible, un parmi les autres.

rhino eif
© Christophe Cotichelli / Rhinoceros by the Dot Theater with Murat Daltaban and Zinnie Harris / Royal Lyceum Theater / Edinburgh International Festival 2017

De plus, l’espace vital de l’acteur rétrécit progressivement : son horizon se rétrécit au fur et à mesure que l’humanité disparaît, grâce à un décor à tiroir, poupées russes qui progressivement enferment Béranger dans son isolement.

La direction d’acteur s’appuie finement sur certains détails de la dramaturgie. Ainsi, une inversion s’effectue : alors que le texte est très absurde dans la première partie de la pièce, la direction d’acteur le tire vers une compréhension rationnelle et logique ; les discussions ont effectivement lieu dans un système de voix entremêlées et liées les unes aux autres qui donne une cohérence au discours. Au contraire, quand le texte devient de plus en plus conforme aux attentes logiques d’un dialogue, la rationalité semble s’échapper et rendre le discours impossible : l’humanité disparaît, et avec elle la faculté de dialoguer entre humains, face à face.

Le travail sur la lumière est ici très significatif : la lumière habille l’espace blanc du jeu. Le regard est tiré vers le haut par l’utilisation de la perspective dans la projection de rayons de soleil, alors même que l’espace scénique se rétrécit et s’élève progressivement.

Enfin, l’utilisation de chaises est un clin d’œil au reste de l’oeuvre de Ionesco, mais permet également d’illustrer comment les rhinocéros renversent la cohérence du monde : ces instruments humains, construits par l’intelligence de l’homme et l’utilisation de ses pouces opposables sont renversés par le passage des rhinocéros. Or, les lois universelles de la nature n’ont plus cours dans ce nouvel univers, et les choses qui tombent montent.

Une lecture de la pièce qui élève donc le regard par tous les moyens de la scénographie, et l’intelligence par tous ceux du théâtre.​

Louise Rulh

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