Critique de spectacle, Festival d'Avignon OFF

À l’écoute des Méduse·s

Retour sur Méduse·s du collectif La Gang joué au Théâtre des Doms du 6 au 27 juillet.

Comme cela se retrouve dans plusieurs récits de littérature contemporaine (Médée de Christa Wolf, Circé de Madeline Miller, entre autres), Méduse·s nous propose de relire l’histoire de la mythologique héroïne par le prisme de son propre vécu, et non par l’histoire que Persée a pu en faire. Le spectacle applique ce qu’Ursula Le Guin propose avec sa « théorie de la fiction panier » : alors que notre société a généralement gardé en mémoire les récits héroïques des combats, de la violence, elle a souvent oublié ceux des petites vies, des débuts, des ratés, des autres. Il s’agit alors de réhabiliter ces derniers.

Les trois comédiennes et metteuses en scène – Sophie Delacollette, Alice Martinache et Héloïse Meire – voient dans le viol et l’injustice subis par Méduse un écho aux femmes victimes d’agressions sexuelles et jamais entendues, voire rejetées ou punies. Méduse est alternativement incarnée par les trois comédiennes qui lui donnent différents visages. Elles donnent aussi chair à toutes les personnes qui l’entourent, à commencer par ses deux sœurs, Euryale et Sthéno, qui n’ont pas non plus échappé à la malédiction lancée par Athéna. Ce ne sont pas des monstres face à nous, ce sont des jeunes femmes franchissant des épreuves corporelles, à la fois métaphoriques et concrètes, qui vont les mener d’une existence simple, en communauté, à une vie de recluses pourchassées pour être devenues, malgré elles, des figures repoussantes, des gorgones.

© Alice Piemme

L’ambition de ce spectacle est juste et son propos important, notamment pour les jeunes, mais on pourra parfois regretter quelques platitudes voire lourdeurs dans les caractérisations des personnages et dans quelques formulations. L’histoire de Méduse colle un peu trop bien à ce que les comédiennes veulent lui faire dire. De plus, les effets visuels créés sur scène par des vidéos sont quelque peu répétitifs et parfois pas complètement aboutis, ce qui donne à la pièce une esthétique ambivalente.

Néanmoins, la création sonore live de Loïc Le Foll confère au spectacle une portée plus profonde, en nous faisant entendre les témoignages de différentes femmes qui font à chaque fois écho au passage de la vie de Méduse qu’on vient de nous relater. Ces extraits audios produisent un effet de collage qui tranche avec l’aspect parfois trop lisse du spectacle et nous font prendre de la distance par rapport au récit en créant un lien fort entre mythologie et temps présents.

Le spectacle laisse Persée face au choix de raconter l’histoire comme il le souhaite, d’essayer éventuellement de la changer. Il aurait été bienvenu que la narration du spectacle applique dès le début une telle ouverture dans son interprétation, en privilégiant plus souvent le sous-entendu à l’explicitation.

Juliette Meulle

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