Critique de spectacle, Edinburgh Festival FRINGE, Festival d'Edinburgh 2017

Violence et douceur pour exprimer des sujets sociétaux complexes…

Pour l’édition 2017 du Festival d’Edinburgh, le FRINGE

Reportage “Mise en Parallèle”

about

The Room at the top of the House by Stand By Theatre Company in Association With The Lincoln Company

and

Stegosaurus by ES Productions

Violence et douceur pour exprimer des sujets sociétaux complexes…

Les maladies mentales sont des sujets propices au théâtre, puisque les prismes de l’émotion et du corps sont des moyens de véhiculer un discours quand le langage seul échoue. Tout comme dans la vraie vie, le corps exprime des choses au sujet de l’esprit, au théâtre le corps est plus significatif que la parole seule. Le transfert émotionnel qui s’effectue entre le public et les artistes permet d’aborder ces sujets difficiles dans une pièce de manière souvent très efficace. C’est le cas pour ces deux spectacles, Stegosaurus qui traite des déséquilibres alimentaires et The Room at the top of the house, au sujet de l’autisme.

the room at the top
© The Room at the Top of the House/ Stand By Theatre Company in Association With The Lincoln Company / Edinburgh Festival FRINGE 2017

The Room at the top of the house présente une approche très douce et intimiste d’un thème compliqué, celui de l’autisme, abordé non pas pour lui même mais pour la manière dont il influence et modifie les relations humaines au sein d’une famille. Deux cercles de narration, très proches du personnage central sont donc dessinés : l’un dans la maison, dans l’intimité, dans l’isolement du cercle familial ; l’autre dans la tête même de Josh, l’adolescent autiste. La frontière entre les deux cadres de narration est parfois très floue, le public est amené à perdre tout notion de réalité et à ne plus savoir s’il assiste à la réalité ou à la vie telle que vécue par Josh : cette manière de perdre le public est aussi un moyen de lui faire vivre ce que vit Josh chaque jour.

Les moyens employés pour mettre en scène cette dramaturgie sont très originaux et efficaces : un travail obsessionnel, sur la répétition des gestes du quotidien, la perte de repères, la mémoire et la manière dont les souvenirs viennent nous marquer mais sont aussi influençables, comment ils se perdent peu à peu et se confondent. Ainsi, on assiste plusieurs fois aux mêmes scènes, revécues douloureusement par Josh : il devient petit à petit impossible de savoir de quelles manières elles ont été vécues la première fois, si elles sont objectives ou relues. L’écriture de la pièce brouille les pistes à ce sujet.

Cette dramaturgie intelligente est servie par une mise en scène qui laisse une grande place au travail sur le corps (c’est ici un genre a part entière, le physical theater) : la danse, ou plutôt les phrases chorégraphiques employées ici permettent d’aller plus loin que les mots, de continuer la où le langage devient inefficace. Il ne s’agit pas de performances physiques ou de danse à un niveau très technique ; mais le corps est pleinement exploité, et la poétique du mouvement pallie aux carences des mots. La portée symbolique de ces phrases est aussi trés poussée, le travail sur l’intention dans les corps permettant d’interpréter avec de multiples nuances la profondeur et la complexité des liens familiaux. Le dispositif scénique, partageant le public en trois espaces, et la scénographie, évolutive et malléable sont d’autres moyens par lesquelles cette mise en scène sensible bien que parfois naïve explore avec beaucoup d’émotion le thème de la maladie mentale.

StegoSaurus
© Stegosaurus / ES Productions / Edinburgh Festival FRINGE 2017

De son côté, Stegosaurus est un seul-en-scène mené d’une main de maître. Une jeune fille nous invite dans son univers, pour découvrir la violence quotidienne d’une vie avec la boulimie. Un discours cru, sans fard, souvent même provocant nous permet d’entrer dans le concret de la réalité quotidienne de la maladie. La mise en scène place l’actrice au centre, accompagnée parfois des témoignages audios des personnes qui l’entourent, ou plutôt qui essaient : ils sont absents du plateau puisqu’ils ne parviennent pas à l’atteindre vraiment, et elle reste seule dans son espace clos dans lequel elle tourne en rond. L’expression anglaise « se mettre dans les chaussures de l’autre » (se mettre à sa place en français) est ici littéralement explorée par l’évolution du costume de l’actrice, incarnant des personnes différentes à travers le changement de tenues. La violence du propos n’empêche pas la douceur, et ce spectacle permet d’éveiller les consciences sur les risques, souvent négligés, des troubles alimentaires.

Louise Rulh

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