à l’Espace Roseau à 14h10 les jours impairs avec Astrid Mercier
Le spectacle évoque l’histoire d’une femme, sorte d’esclave sexuel associée un homme riche et puissant. Le texte est écrit par un auteur des Caraïbes qui appartient au collectif ETC… Caraïbes qui regroupe 200 auteurs de ces régions d’outre-mers. Bernard G. Lagier construit un texte singulier dont la poésie dépasse les thèmes et les moments de prédilections des auteurs de ce coin du globe, centre littéraire où se renouvelle dans l’ombre du commerce littéraire parisien et pseudo-intellectuel, la vraie littérature, une littérature d’idée mêlée à une haute création poétique.
La comédienne Astrid Mercier incarne sur scène ce personnage d’une femme blessée, prenant en charge le récit d’une souffrance dépassée par la colère et l’irrévérence. Le récit se fait au fil d’une pensée brûlée, sans cesse proche des larmes, de larmes acides d’indignations. La comédienne au préalable bercée par une chaise à bascule ravage bientôt la candeur de sa présence, ravage et ravale sa sorte de blessure pour la donner au monde, l’offrir en partage à l’orgueil et à la lubricité des riches. La narratrice raconte finalement le passage pour elle d’une adolescence livrée à la culture de l’innocence et de la vertu à une sorte de descente aux enfers sociale et humaine, provoquée par les préjugés et par la morale, celle-là qui étouffe sa lubricité en se rassurant sur sa prétendue pureté. Elle évoque en premier lieu l’insulte de son père et la manière dont sa famille si aimante la livre à la vindicte. Elle est bien cette orchidée, fleur épanouie, libre d’ouvrir ses pétales. Elle reste violée, elle subit cette violence de la part de son maître et du très étrange président Vonvon qui justifie le viol par la nécessité de pourvoir le pays en héros puissants, capable de fonder la nation de demain. Elle évoque un monde d’hommes où la liberté se scinde en plusieurs discours.
Il s’agit d’une sorte de révolte, par la parole, le personnage féminin livre à notre jugement le récit intériorisé et distant d’une sorte de calvaire, transformé en parcours initiatique, pour parvenir à devenir une véritable mère, une femme libre à part entière, qui se libérerait de la douleur détournée du viol par l’amour qu’elle donnerait à l’enfant issu de ses entrailles contraintes. Les différents moments du texte sont entrecoupés par des préludes musicaux et par des jeux de lumières qui permettent de réagencer les éléments et de poursuivre avec de nouveaux élans, la poésie flamboyante dont la comédienne est pourvue. Elle évolue sur une sorte de tréteau circulaire, évoquant presque un cercle infernal duquel elle ne peut sortir sans avoir livré ses concrétions, comme si finalement le spectateur convoqué par l’écoute, pouvait permettre la libération de cette femme, qu’on puisse la reconnaître comme une orchidée, fleur fragile qui ne fleurit pas toujours, mais qui lorsqu’elle fleurit nous inonde de son parfum et provoque dans nos pupilles un ravissement de tous les sens.
La mise en scène et la direction d’acteur renforcent ce texte puissant, et la comédienne, fragile et sévère, interprète avec une tristesse égarée et pleine d’espoir, la volonté d’une femme de faire naître par son récit, non plus la compassion ou la pitié, mais le sentiment fragile difficile à éprouver et à faire advenir dans toute œuvre qu’elle soit littéraire ou dramaturgique, ce sentiment de l’amour, de l’amour des possibles malgré le viol de l’histoire, de l’amour des possibles malgré la souffrance du présent….
L’Orchidée Violée constitue une sorte d’anfractuosité, ainsi que le texte le met en abyme, sur laquelle naît tout un monde de poésie et d’amour. Il s’agit d’une belle œuvre singulière qui ouvre un théâtre unique et magnifique pour qui veut aborder d’autres thèmes dramaturgiques et de la vraie poésie sur scène. Il faut absolument découvrir ce travail, le texte fera l’objet d’une critique plus approfondie dans les prochaines semaines…