Critiques de Spectacles à Lyon

Al Atlal, chant pour ma mère, par Norah Krief

Vu au TNP Villeurbanne

La puissance jamais démentie de Norah Krief

Norah Krief entre sur scène. Elle se met à chanter, elle rajeunit alors de 10 ans. Elle se place ensuite, humblement, en spectatrice de ses musiciens. Elle rajeunit alors encore. A la fin du spectacle, au bout de cette heure de doux voyage, le miracle est accompli, et Norah Krief n’a plus que 10 ans, ou peut-être 1000. Et quand Norah Krief sort de scène, elle ne quitte jamais nos esprits ni nos cœurs.

Jean-Louis Fernandez

En chantant les mots d’Oum Kalsoum, les mots d’amour dont les hommes innondaient cette femme mythique du Moyen-Orient libéré de la seconde moitié du 20ème siècle, en reprenant ces mots d’amour rageurs et desespérés d’hommes qui meurent d’amour pour une femme qui ne prend que leur poésie et délaisse leurs bras, en interprétant ce long poème langoureux, Norah Krief chante une merveilleuse déclaration d’amour à sa mère. Elle la fait revivre dans tous ses gestes du quotidiens, gestes vécus en exil, gestes évoquant pour la petite Norah un ailleurs où elle n’a jamais vécu mais auquel elle s’est sans cesse vue renvoyée, gestes douloureux et magnifiés au spectacle.

Dans une scénographie douce, évocatrice et suggestive mais jamais démonstrative, soulignée par le beau travail de Jean-Jacques Baudoin à la lumière, les musiciens et Norah Krief éveillent tout un imaginaire lointain et imagé. Ils nous emmènent dans la découverte d’un monde intérieur, avec la douceur nécessaire à ce voyage.

La présence de Norah Krief explose la scène. Pourtant, elle sait aussi mettre en avant les musiciens qui travaillent autour d’elle, adaptant la musique orientale pour créer un pont entre les deux mondes, l’Occident et l’Orient, dans la musique comme dans le reste du spectacle. Cette frontière culturelle est explorée par les différents moyens du spectacle, et permet d’illustrer comment la diversité est effectivement source de richesse, même si elle peut être également source de douleur et de déchirement. Le mélange des cultures trouve ici un parfait défenseur, qui démontre comment il est plus beau et intéressant d’aller se confronter à l’autre, d’aller mêler les genres et les influences pour construire un beau spectacle et un monde beau. C’est ainsi un spectacle d’une grande simplicité et d’une grande force qui nous est offert par la troupe.

Louise Rulh

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