Critique de spectacle, Edinburgh Festival FRINGE, Festival d'Edinburgh 2017

Deux célébrations de la complexité du fonctionnement humain…

Pour l’édition 2017 du Festival d’Edinburgh, Le FRINGE

Reportage/Critique : Deux spectacles en parallèle… 

about MOPEY THE CLOWN by the Clinch Theatre Company and GOSSIP by the Lenka Vangerova and Company

Mopey the clown
© The Clinch Theatre Company / Moppey the Clown / Edinburgh Festival FRINGE 2017

Parfois des spectacles d’horizons différents résonnent les uns avec les autres, il peut alors être intéressant de les mettre en parallèle. Ainsi, Mopey the clown et Gossip sont deux spectacles qui explorent de deux manières différentes, la difficulté extrême d’être humains et de vivre dans un groupe social. Les deux formes sont muettes, ou presque, elles utilisent donc le corps pour exprimer ce qui dépasse le langage : l’un par la danse, l’autre le clown. Les spectacles s’interrogent sur les faux semblants, l’absurdité des codes sociaux imposés, la violence des relations sociales dans un groupe donné. Les deux formes enfin montrent ce que ça fait d’être celui qui n’est pas exactement comme les autres, qui ne vit pas exactement de la même manière.

Tandis que dans Mopey c’est seulement un personnage, le clown triste, qui se sent rejeté par un groupe qui est présenté comme soudé et sur la même longueur d’onde, expérimentant donc une forme de dépression, dans Gossip chacun a une fêlure et personne n’est vraiment inclus dans le groupe, ce qui tend à présenter comme plus universelles ces difficultés dans un groupe social.

Dans le spectacle Mopey, de la compagnie le Clinch Theater, le spectateur est amené à vivre dans la tête du clown triste, entouré par une galerie de personnages caricaturaux, pleins d’hormones et de besoins sexuels. La sociabilité n’est qu’un prétexte à la résolution de ces besoins primitifs, l’homme étant présenté comme un animal gouverné par ses besoins, qu’il l’exprime par la pornographie, la pratique intensive de la musculation, la masturbation, le sexe, la boxe ou encore les sorties en boîte de nuit. Ce spectacle est donc parfois trop démonstratif, mais quelquefois assez subtil. En effet, le spectateur est amené à prendre conscience de l’aspect difforme de ce qu’il voit : il n’est pas dans un spectacle objectif, il sait qu’il est témoin de la manière dont Mopey perçoit les choses, non pas de la réalité. De ce fait, le spectacle permet d’aborder de manière assez intelligente la réalité quotidienne d’une maladie mentale comme la dépression nerveuse. Le monde est déformé par sa dépression et le problème est ce que Mopey croit que les autres perçoivent de lui, c’est ce qui le rend malheureux et non pas l’inverse. L’usage de la caricature pour provoquer le rire est donc ici révélateur d’un intérieur subjectif et déformé.

Gossip 1
© Viktor Kronbauer, Michal Hančovský / Gossip by the Lenka Vagnerová & Company / Edinburgh Festival FRINGE 2017

À ce sujet, Gossip paraît donc beaucoup plus cynique et pessimiste. Le propos est présenté comme plus objectif, et plus universel. En effet, la rumeur est matérialisée comme un personnage physique, mi marionnette mi monstre vivant, venant révéler la réalité profonde des relations hypocrites qu’entretiennent les invités d’une soirée mondaine. Différents tableaux, dansés ou plus ou moins théâtralisés, explorent différentes situations : que se passe-t-il quand tout le monde se comporte de la même façon, dans la même corporalité et que quelqu’un arrive mais sort de la norme, n’agissant pas de la même maniere ? Que se passe-t-il si toutes les petites pensées méchantes que nous avons à propos de nos proches deviennent physiques et visibles ? Le corps est utilisé dans toutes ses possibilités puisque c’est le domaine où le langage trahit. Il est amené à des choses extrêmes, jusqu’à l’explosion finale de la sphère sociale.

Les deux spectacles finissent sur une explosion, mais alors que l’une est circonscrite à l’intériorité du clown et définitive, l’autre laisse des ruines de relations sur lesquelles peut-être, d’autres liens pourront être réinventés. Deux célébrations de la complexité du fonctionnement humain…

Louise Rulh

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