Sur une scène assez nue, l’interprète est assis sur une chaise dans une quasi pénombre. Des néons de couleurs disposés un peu partout sur le plateau s’allument. Du rose, du rouge, du bleu. Une atmosphère eighties s’en dégage, soulignée par le survêtement que porte le danseur, mais tout de suite contrée par la musique qui retentit : un madrigal baroque de Monteverdi (genre poético-musical, polyphonique ou monodique, pour voix, avec ou sans accompagnement musical qui s’est développé au cours de la Renaissance et au début de la période baroque). Surprenant tableau qui durant 30 minutes va nous transporter dans l’univers de l’artiste.
Le danseur évolue donc dans cet espace, entre les néons et les chaises qui se trouvent sur le plateau, à travers des déplacements improvisés et d’autres écrits. En alternant quelques gestes très simples – une marche, un regard, un buste qui se soulève – avec d’autres plus techniques – une pirouette désaxée, un grand battement, un passage au sol très maîtrisé –, Thomas Hauert semble s’exprimer totalement librement, laissant libre court à son corps. Soudain, arrivé devant l’une des chaises, il enlève son jogging, sous lequel se trouvait un collant. Il enlève un tee-shirt, sous lequel se trouvait un maillot de corps, et ainsi de suite. Ce jeu se poursuit tout au long du solo jusqu’à ce qu’il se retrouve quasiment nu, puis ça repart en arrière, comme une recherche sans fin de qui il est, comme une introspection infinie.

© Filip Vanzieleghem
Ces alternances d’habillement et de déshabillement, d’improvisation et d’écriture chorégraphique sont rhytmées, ou plutôt se rythment sur une partition « à trous » composées de différentes interprétations du madrigal Si Dolce è’l Tormento de Monteverdi – par exemple l’une du merveilleux contre-ténor Philippe Jaroussky. Le rapport que Thomas Hauert entretient avec la musique dans ses pièces est toujours très particulier et indissoluble. Toute l’initiative de l’artiste est d’expérimenter les pouvoirs du corps et de la musique, d’expérimenter l’interprétation de la musique par le corps, comment rendre compte des notes par le geste. Il veut ici habiter la partition de Monteverdi, alors il expérimente devant nous ses différentes versions, les coupant d’un geste désinvolte lorsqu’elles ne conviennent plus à son état d’esprit.
C’est ainsi que pendant une assez courte durée, 30 minutes, l’artiste tente à la manière d’une performance de déployer son moi intérieur. Le choix porté sur la musique est un choix très personnel et les différentes versions de celle-ci nous invite à croire que le chorégraphe s’y est intéressé de près, sans peut-être jamais y trouver la version parfaite, si tant est qu’elle existe. C’est peut-être un des message qui se dégage de cette pièce, n’arrive-t-on jamais à être pleinement ce que l’on voudrait être ? Si dolce è’l tormento raconte un « doux tourment », celui qui brûle d’un amour impossible pour une belle qui le refuse. On retrouve toujours ces deux pendants, liberté et contrainte, tout au long de notre vie et dans notre recherche d’identité mais aussi dans la danse de Thomas Hauert. Tout se tient dans cette pièce, mais l’ensemble donne malgré cela quelque chose de peu original et finalement d’assez décevant. Il est difficile de suivre le danseur dans ses improvisations introspectives, les musiques sont « zappées ». Certes l’effet est voulu, mais cela nous laisse un peu de côté. Donner à voir une recherche au spectateur n’est pas profondément intéressant dans le milieu du spectacle vivant, car l’univers de l’artiste nous est au bout du compte assez hermétique.
Durée : 30 minutes Chorégraphe et interprète : Thomas Hauert Lumière : Bert Van Dijck Costume : Chevalier-Masson Musique : Claudio Monteverdi – Si dolce è’l tormento, Salvatore Sciarrino – 12 Madrigali
Eléonore Kolar
WordPress:
J’aime chargement…
Articles similaires
Publié par eleonorekolar
Rédactrice spécialiste danse
Voir tous les articles par eleonorekolar