Critique de spectacle, Critiques de Spectacles à Lyon

24/7 par Collectif INVIVO [ Création 2018 au TNG/CDN Lyon ]

Vu au TNG en novembre 2018

Repousser les frontières du possible et de l’imaginable au théâtre.

Le collectif In vivo revient sur la forme déjà travaillée et présentée la saison précédente, 24/7. Nous avions déjà écrit un court article à ce sujet, en lien avec un autre spectacle du directeur du TNG, Joris Mathieu, que vous pouvez retrouver ici.

La forme a évolué, et alors que la proposition de la sortie de résidence présentée l’an dernier reste une part importante du spectacle présenté cette année, le projet a également grandi et s’est développé d’une manière très intéressante.

Le sujet reste politique et numérique : partant du constat que l’une des dernières zones de liberté sur lesquelles le capitalisme n’a pas pu prendre prise est le sommeil, moment par essence improductif à contre-courant de tout le reste du fonctionnement de nos sociétés, le collectif s’interroge sur la manière dont la technologie pourrait mettre fin à ce dernier îlot de refuge. Ainsi, une société invente un nouveau programme pour casque de réalité virtuelle, DreamR, qui permet de se reposer autant en 20 min de visionnage qu’en une nuit complète. Le spectateur est invité à assister directement aux premiers tests sur personne humaine de ces casques, ainsi qu’à suivre la vie de la jeune scientifique en charge du développement du projet. Le spectacle est donc un diptyque, dans lequel les spectateurs sont invités à regarder successivement les deux parties du spectacle, en deux groupes distincts. Cette forme double permet donc de répondre à l’une des problématiques que nous avions soulevé dans la première analyse de ce spectacle lorsque que nous avions écrit : « Dans cette sortie de résidence d’une demi-heure, le collectif InVivo ouvre donc des possibilités très intéressantes à explorer dans la suite du travail. Avec malgré tout cette question, un peu terrifiante : jusqu’à quand pourrons-nous encore parler de théâtre pour cette forme nouvelle ? ». En effet, si l’une des deux parties du spectacle questionne encore cette question de la théâtralité, en alternant scènes physiques et scènes virtuelles, l’autre partie revient sur un processus plus classique de théâtre sans casque visuel.

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© Margot Simmoney / Page Facebook du Collectif Invivo, photo publiée le 27/03/2018.

Cependant le fait d’alterner ces deux moments produit un effet très fort : le public est disposé en bifrontal, cependant la moitié porte les casques de RV et des casques audio, et est donc par moment complètement coupé de tout rapport avec le plateau et le reste du public, placé en face et qui donc peut observer les autres spectateurs se tortiller sur leurs chaises, explorant leur monde virtuel. C’est aussi un travail sur la perception donc, sur la manière donc on se coupe avec la technologie de tout stimuli physique traditionnel. Le travail du son prend une bonne part dans le développement de ce processus :  même dans la partie théâtre plus classique du spectacle, les spectateurs sont munis de casques audio qui permettent un travail très fin de spatialisation du son.

Le dispositif scénographique permet de répondre de manière très belle et très fine à ces problématiques de double espace : des rideaux provoquent des effets de visible, d’invisible très fort, et le travail de la lumière découpe magnifiquement les différentes zones d’exercice de la réalité.

Le spectacle travaille donc par sa forme à une interrogation sur les formes et frontières de la réalité et du réel. C’est un essai transformé pour le jeune collectif, qui parvient à créer une ambiance de tension en utilisant les nouvelles technologies pour repousser les frontières du possible et de l’imaginable au théâtre.

Louise Rulh.

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