Cette représentation nous fait entendre un texte d’une grande acuité, une sorte de témoignage d’une vie intense sacrifiée pour le théâtre, qui se prépare à l’anéantissement et à la mort. C’est le récit d’un passage, dont le personnage qui est l’écrivain lui même, montre les rouages et exprime ses dernières recommandations, puisées au gré de son expérience théâtrale et de son existence de labeur.
La poétique de ce texte est sans limites, ce récit qui ressemble à une sorte de métalepse, nous rend audible la voix désespérée du poète, mais sa franchise et sa lucidité sont bouleversantes. C’est une vraie leçon de vie que nous livre l’auteur, et le texte est d’une telle complexité, qu’il m’est impossible d’en exprimer la teneur et les enjeux. Tout cela nous dépasse, nous illumine et nous aveugle. Ce texte est une vraie révélation, chaque phrase est un aphorisme et est emplit d’une sagesse psalmodique.
L’auteur compose ici une véritable ordalie, un art poétique, dans la lignée des plus grands poètes de notre monde.
Le comédien nous livre une grande interprétation de ce texte magnifique, en nous peignant avec un humour noir et franc, les pertes et déconsidérations ineffables de son existence vouée au théâtre et à sa recherche, comme un désir jamais inassouvi de création, qui ne prend jamais véritablement forme. Le décor est constitué d’une simple coiffeuse avec une chaise. Le comédien se trouve ainsi dans sa loge avant d’aller sur scène pour y accomplir sa propre mort. L’ensemble est enhardi par des jeux de lumières sensibles et parcimonieux, qui rendent encore plus troublant les traits du visage du comédien. La musique ponctue le texte et lui donne une profondeur mystique, participant à l’incarnation scénique de la mort, augmentée davantage par la projection d’images de guerres en arrière plan de la scène pendant un court moment où le texte évoque la haine de ce monde.
Ce spectacle est un seul en scène, plein de simplicité, et fruit d’un travail sourcilleux, pour nous faire entendre chaque phrase comme un souffle unique, une inspiration essentielle, celle du poète, qui livre avant sa dernière heure, ses secrets dans la voûte céleste de son âme, dont les étoiles innombrables scintillent dans le cœur et la conscience du spetacteur envoûté.