Critique de spectacle

La Mégère apprivoisée par la compagnie des Têtes de bois dans une mise en scène de Mehdi Benabdelouhab à la Fabrik’théâtre du 5 au 27 Juillet à 16h00.

Cette représentation est un délice et il n’y a pas un seul instant où l’on pense à quitter cette très belle illusion théâtrale. Ici, cette comédie de Shakespeare prend son envol et nous est donnée à entendre comme une promesse incontrôlable de gags où le rire est roi.

La pièce en elle même, est d’une fraîcheur étonnante et se transforme avec cette mise en scène en un spectacle où chacun peut s’amuser et rentrer dans cet univers déjanté de l’histoire, sur laquelle le metteur en scène renchérit en choisissant d’accentuer les traits et les grimaces, soit par l’utilisation d’un masque, soit par un travail pointilleux sur le visage et sur la démarche du corps. Tous les comédiens nous font montre d’une extraordinaire énergie et d’une époustouflante adresse dans la maîtrise de leur jeu.

 

Le projet de cette mise en scène semble en tout point réussie. Le décor composé de tréteaux permet une modulation nécessaire aux changements de lieux. La musique quant à elle, où plutôt le rythme musical, avec la batterie accentue le tragique de cette apparente comédie entre les différents tableaux, et nous laisse à entendre une complainte inquiétante et languissante, qui contraste en tout point avec l’énergie et le burlesque de l’ensemble. C’est bien là le jeu des valeurs humaines, où la femme, en tout cas la mégère semble être vu comme un animal à dompter, une bête dont on doit outrepasser la férocité.

 

Cette comédie apparemment misogyne et bien souvent mal comprise, ne doit pas nous faire oublier que Shakespeare décrit ce qu’il vit en son temps, et nous ne pouvons pas juger son travail avec notre regard contemporain. Le fait même d’en rire encore fait-il du public un bourreau de conscience ? Cette mise en scène est un véritable coup de maître parce qu’elle efface cette dimension à travers une dérision et un ridicule toujours plus grand. La mise en scène ne s’offre à aucune période historique, les costumes sont bien ceux d’une commédia mais quelques éléments amusant dont je ne peux dévoiler la saveur sans en gâcher par avance l’immense plaisir, sont d’une inventivité et d’une originalité envieuse.

 

C’est bien une farce qui se complaît ici dans un jeu étincelant et cynique, où un homme décide d’épouser une furie pour la rendre docile et en faire un objet à sa merci pour laisser place aux prétendants de sa sœur cadette. Chaque scène est un passage, un pont que l’on traverse, le public vit l’histoire comme un songe. Il y a presque une dimension circassienne et clownesque dans cette représentation, mais toute deux assumées dans une symbiose qui frise une éclatante perfection. En un mot, ce spectacle est à voir absolument et sans détours, et c’est un très bel hommage à Shakespeare, qui à travers cette représentation, nous fait entendre sa voix plus grande et plus profonde encore.

 

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