Critique de spectacle

Apocalypse Quartett : Quartett de Heine Müller par le théâtre des sens au théâtre des Italiens à 22h00

Cette représentation se passe sur une scène quadrifrontale et nous met dans l’ombre deux personnages dont on connaît par avance la destruction et la consomption.

Le metteur en scène a su mettre en lumière la beauté et la cruauté du texte, qui est une très belle réécriture des Liaisons Dangereuses de Laclos. Ce texte rajoute une dimension unilatéral au spectacle, et qui sait nous montrer, comme dans l’œuvre originale, que le monde est à la merci de ses ignominieuses créatures et que rien n’échappe à leur contrôle.

Ils sont comme deux tigres en lutte pour la jouissance. Deux comédiens sont sur scène et répondent parfaitement avec cette proximité pétrifiante due à la petitesse de la salle, au théâtre de l’intimité si chère au suédois August Strindberg. Cela permet en effet la représentation de drames psychologiques dans laquelle cette pièce peut s’inscrire. L’espace réduit, et la quiétude des personnages permet une révélation plus grande de leur individualité.

Pour ces personnages, l’imagination s’éveille ainsi plus à la vie et le côté matériel des corps et du monde s’efface pour ne laisser place qu’à l’esprit, qu’à la cruauté de l’humanité. Cette cruauté est incarnée par ses deux avortons de Merteuil et de Valmont, leur émotion est profonde et est accentuée par l’obscurité de l’ensemble, dans laquelle les deux comédiens par une diction parfaite et une étrange quiétude, créent cette atmosphère. Cette ambiance pourtant si proche de la mort imminente, ne semblent pas affecter ces deux êtres maléfiques.

Strindberg écrit : « Pour pouvoir parler lentement et bien, on doit de façon générale relier tous les membres et tous les mots d’une période, tout en faisant en sorte que la ponctuation soit faiblement audible, on n’utilise le staccato que lorsque le rôle le stipule ». Dans cette représentation, la parole subit bien cette inflexion musicale qui nous donne à entendre autrement le texte, et qui en augmente grandement l’intensité. La tragédie de ces deux êtres se dévoile presque avec solennité, et ils interprètent chaque personnage avec une violence ou plutôt une perception de la violence propre à leur inconscient. Ils jouent leur propre rôle mais aussi celui de leur victimes, tirant de ce jeu funeste, une étrange consolation.

L’expression des corps dénudés, la pauvreté accablante du décor qui consiste principalement en un cube réfléchissant comme un miroir, et la sombre lumière augmente la beauté de cette pièce et nous donne à entendre le texte, de la manière la plus poétique qui soit. L’utilisation même des techniques vidéos au moment où tout semble s’achever, est d’une ingéniosité sans pareille. Le personnage agonisant avec une froide tranquillité, est projeté sur l’écran par une caméra qui filme elle même l’écran où est projeté en direct l’image du gisant, nous donne un effet scénique d’une rare beauté. Cet effet est utilisé à bon escient, et n’est pas un simple artefact, il déifie la mort de Valmont, redoublée par la mirifique conscience de sa vacuité et de son échec. Cette représentation est pétrifiante et l’interprétation des comédiens demeure d’une perfection redoutable. Un grand spectacle qui forme une magnifique mise en scène de ce texte tant et tant joué et parfois fort mal d’Heine Müller.

 

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