Critique de spectacle

Les Perses d’Eschylle au théâtre de L’Albatros à 18H45 dans une mise en scène de Tilemachos Moudatsakis par la compagnie grecque Vivi.

Cette représentation est pour le moins étrange, non pas que le spectateur soit en tout point étranger aux enjeux de la pièce et du jeu scénique, puique une belle idée traverse ce projet. Le metteur en scène propose ici une sorte d’interprétation de la tragédie grecque à travers tout un travail sur le corps et sur la gymnastique, ainsi que la musique. Pour lui, le tragique doit passer à travers le corps, le traverser comme une humeur maligne dont il faut se décharger, et dont on doit détruire les sources. Il nous est possible de parler de performance pour cette représentation, même si à certains longs moments, les figures à quatre que les comédiens exécutaient dans une frénétique gymnastique, faisaient perdre au texte sa dignité.

 

Il s’agit là néanmoins d’une belle proposition, mais l’espace de L’albatros est beaucoup trop clos et petit pour accueillir ce majestueux appareil, et il me semble qu’on y perd tout tant la puissance qui se déchaîne à travers notamment les cris, finissent pas lasser le public et lui faire perdre le tragique. L’interprétation de la mère de Xerxès n’est pas très réussie, les quatre hommes qui se partageaient les autres rôles étaient en revanche des interprètes flamboyants.

 

Cette pièce du grand tragique grecque est une grande histoire, elle est le témoignage de la puissance d’Athènes. Mais ce qui en fait une pièce singulière, c’est qu’elle ne nous montre que les lamentations du peuple perse à travers le récit de la défaite navale de Salamine au cours de la deuxième guerre médique. Elle nous rappelle que là des hommes libres ont su défaire des barbares, rien que par la ruse et la supériorité des trières, les tuer et les massacrer pour leur liberté individuelle et non pour les asservir. C’est bien ses contradictions perses sur lesquelles l’auteur insiste, sur cette hubris, cette démesure où chaque personnage de la pièce est porté. Ils sont contraints d’invoquer l’autel et le panthéon des Dieux pour leur propre rédemption.

 

Le protagoniste Xerxès, roi des rois, n’apparaît qu’à la fin de la pièce et son souffle termine cette tragédie du destin dont il fût le jouet et qui a immolé son armée entière. Tous les personnages sont bien déchirés, et si le tragique doit sortir de leur corps, le cri hargneux et désespéré n’est qu’une partie infime de ce tragique. Le décor n’a aucune saveur, il ne consiste en rien, ou du moins ce rien n’a aucune consistance. La musique trop forte et bien trop présente ne nous permet d’entendre qu’une caricature d’un corps torturé, un simulacre abscons. Le chœur quant à lui est d’une simplicité qui lui donne un élan tragique, mais qui dans l’exécution des figures gymnastiques peut parfois nous faire sourire et nous fait perdre le texte. Ces formes sont peut être l’expression de plusieurs corps assemblés en un, dans des positions qui évoquent une sorte de monstruosité, ou à l’inverse une icône de la déchéance.

 

Le spectacle est en grec ancien surtitré, et c’est là ce qui fait, une partie de la majesté controversé de cette représentation. Les Perses est une grande tragédie qui lorsque je la découvris en lecture pour la première fois m’avait bouleversé par son impériosité. Cette représentation n’insiste pas suffisamment sur cette impérieuse présence divine et propitiatoire de la tragédie, elle n’est qu’une figure de la tragédie grecque et ne nous permet pas véritablement de comprendre le malheur des Perses, celui d’avoir voulu asservir une nation d’hommes libres. L’interprétation de la confrontation des personnages avec la défaite est de fait beaucoup trop criarde, et la fureur ne transparaît que comme une simiesque colère.

 

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