Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir le travail d’une compagnie lyonnaise qui a déjà de nombreux projets à son actif depuis sa création en 2016. Nous invitons à découvrir le propos de ce spectacle qui réinterroge le mythe de Don Juan. La compagnie nous a spécialement rédigé une note d’intention sur leur travail de réécriture et de plateau à partir des sources littéraires qui traversent le mythe.
Avertissement : L’article et le spectacle dont il est question parlent de violences sexuelles et psychologiques.
Le Procès de Don Juan ou un cœur à aimer toute la terre, une production de la Compagnie de la Botte d’Or
du 15 au 27 octobre [Représentation à 19h30 en semaine et 17h le dimanche] au Théâtre Le Nid de Poule (Lyon 1er).
du 7 au 10 novembre [Représentation du jeudi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30] au Théâtre du Carré 30 (Lyon 01)
Note d’intention
Don Juan est toujours présenté comme le symbole de l’athéisme et de la libre pensée, et comme un personnage positif et subversif qui a su remettre en question les dogmes religieux et moraux de l’ordre établi. C’est en tous cas ainsi qu’il est étudié dans les écoles et les universités, et ainsi qu’il est défini dans notre imaginaire collectif et notre patrimoine littéraire : jamais n’est dénoncé ou souligné la domination et la violence qu’il exerce envers les femmes – et ce dans chacune des adaptations du mythe, qu’elles soient classiques comme modernes.
Dans cette perspective, le personnage n’a pourtant plus rien de subversif : ce dernier est au contraire le produit parfait et la pure émanation du système patriarcal, qui cherche à « posséder » et « conquérir les femmes » – par le mensonge, la manipulation, le harcèlement et le viol.
Dans La Nuit de Valognes, Éric-Emmanuel Schmitt met en scène le procès de Don Juan – mais celui-ci est avorté : les femmes ne parviennent pas à nommer les véritables chefs d’accusation qui pèsent sur « le plus grand scélérat que la terre n’ait jamais porté » ; elles ne parviennent pas à prendre conscience des abus et des violences qu’elles ont subies, et qui dépassent largement le seul « chagrin d’amour » ou « l’adultère ». Plus encore, le comportement de Don Juan est expliqué, et pardonné : si ce dernier collectionne les « conquêtes » sans jamais pouvoir s’attacher, c’est qu’il serait homosexuel et par « nature » incapable d’aimer les femmes. Or, il est tout à fait problématique que cette homosexualité justifie les violences que le personnage exerce sur les femmes, et permette à Don Juan de s’enfuir dans un rayon de lumière blanche, pardonné et béatifié.
En outre, les personnages féminins sont de manière générale traitées d’un point de vue masculin et oppressif : écervelées, superficielles, attachées uniquement à la fois à leur « vertu » et leur « apparence », elles sont encore pleinement dépendantes du pouvoir et du regard masculin.- celui de Don Juan – sans lequel elles ne savent comment exister.
Et si, au lieu de respecter l’ordre établi, les femmes prenaient conscience de la violence exercée par Don Juan, et cherchaient enfin à s’en émanciper ? Et si le procès proposé dans la pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt avait réellement lieu, et devenait le moyen de leur désaliénation et de leur empouvoirement ? Et si les femmes parvenaient à se réapproprier la parole, le pouvoir, et l’expression d’un désir qui leur serait enfin propre et singulier ? Il s’agit en effet d’un enjeu majeur de notre spectacle : remettre en question la construction sociale de désir (« posséder pour les hommes » , « être cueillies » pour les femmes), afin que les personnages féminins cessent de n’exister qu’en tant qu’objets de désir et puissent enfin devenir elles-mêmes sujets désirants.

C’est ce procès qui sera mis en scène dans Un cœur à aimer toute la terre : avec beaucoup d’humour, le spectacle vient dénoncer cette façon si étrange d’« aimer » les femmes, qui n’en est pas une. Pour Don Juan, il n’est nullement affaire ni d’amour ni de désir, mais bien de pouvoir.
La situation initiale est la même que dans La Nuit de Valognes : quatre femmes décident de se venger en intentant un procès à Don Juan, et souhaitent enfin le contraindre au mariage. Dans ce premier acte, les représentations stéréotypées des femmes et les normes sexistes seront déjà mises à distance par des effets de rupture et de contre-point, afin de montrer que quelque chose cloche : contre-discours, dés-identification soudaine et ponctuelle des personnages pour qu’ils puissent se décoller d’eux-mêmes, silence ou rupture dans le discours pour l’étrangéiser.
Le deuxième et troisième actes sont issus d’un travail d’écriture et de réécriture. Des extraits de Molière, Montherlant et de Tirso de Molina permettent de représenter le personnage dans ce qu’il a d’immémorial et d’éternel – et montrer ainsi comment notre culture et imaginaire collectifs sont nourris par des figures sexistes et oppressives, et que cet aspect mythique n’excuse en rien les agissements de Don Juan. « Don Juan est un mythe, mais pourquoi cela exclurait-il qu’il soit un violeur ? »
Notre réécriture est également nourrie par des écrits féministes » : King Kong Théorie de Virginie Despentes, Ces hommes qui m’expliquent la vie de Rebecca Solnit, En finir avec la culture du viol de Noémie Renard et Mémoires de fille d’Annie Ernaux. L’actualité (#metoo, débats médiatisé…) nourrissent également la réécriture, et les discours des personnages en sont imprégnés – que ce soient les personnages qui témoignent d’une conscience féministe, ou les avocats de Don Juan qui mobiliseront par exemple des arguments utilisés dans La Tribune qui défend la « liberté d’importuner ».
Présentation succincte du spectacle :
Une nuit, dans un piteux château de Normandie, trois anciennes conquêtes de Don Juan sont convoquées et réunies par la Duchesse de Vaubricourt. L’heure des comptes est enfin arrivée ! Ce soir, point de Commandeur, ni de châtiment divin : ce sont elles, ces femmes, qui jugeront et condamneront le scélérat, en organisant son procès.
Et si les femmes prenaient conscience de la violence exercée par Don Juan, de son emprise, de ses abus et cherchaient enfin à s’en émanciper ?
Et si la scène devenait le lieu de leur désaliénation et de leur empouvoirement, pour mener le véritable et inévitable procès de Don Juan ?
Distribution :
Texte-Ecriture collective à partir de plusieurs auteur.trices d’après Eric-Emmanuel Schmitt, Molière, Annie Ernaux et Audre Lorde.
Ecriture : Andrea Leri, Lola Sinoimeri et Chloe Dubost
Mise en scène : Andréa Leri
Avec : Sidonie Dusart, Camille Varenne, Chloé Dubost, Juliette
Boulouis, Andréa Leri, Lola Sinoimeri, Camille Douillet et Charles Lasry.
Pour moi, il représente un mythe de masculinité qui nous a été présenté comme idéal et une forme de modèle en généralisant la manipulation et des agressions qui sont aujourd’hui vie courante pour les femmes.
Bonjour Moreau Aaron,
Merci d’avoir participé à notre jeu-concours. Et félicitations, vous avez gagné une place pour le spectacle « Le Proces de Don Juan », le jeudi 7 à 20h30 au theatre du Carre 30.
Seriez-vous disponible ?
Encore merci.
Chloé, pour la Compagnie de la botte d’or