à l’Albatros, à 21h00
La compagnie nous livre ici une rhapsodie de quatre textes de Sacha Guitry, qui assemblés les uns avec les autres, et reliés par une voix off aux accents comiques, créent une véritable histoire et développent des situations rocambolesques et hilarantes.
Au delà du montage textuel réussi et très bien mené, les comédiens nous apportent leurs petites manies et les petits gestes nécessaires à l’exécution de ce type de texte sans jamais défaillir. Pendant plus d’une heure, nous voyons se jouer sur scène, sur fond de comédie psychologique, des scènes de ménages aussi bien que des scènes d’amours et d’absurdités hilarantes.
La pièce commence par la fin, où l’on voit les deux amants qui s’apprêtent à se suicider, suicide des amants qui nous évoque presque quelque chose de tragique et de shakespearien, mais qui ici apparaît comme ridicule parce que les personnages ne sont absolument pas déterminés à mourir mais le font par caprice, car c’est le caprice qui régit et provoque les confrontations.
Une lettre bien tapée provoque la rencontre entre Hildebrande et Maximilien, et corrobore une scène aguicheuse où Paul de Montfort (Maximilien) nous fait pénétrer dans le spectacle avec une grande force comique. On retrouve des scènes de disputes des amants entre eux ou avec leurs conjoints (la femme de Maximilien étant magnifiquement interprétée par Fabien Buzenet, un rôle travesti tout en douceur et en maîtrise, implacablement réussi). Jennifer Chiama qui interprète le rôle d’Hildebrande s’arroge une place de choix et son jeu perspicace évolue avec force, comme si elle était une anfractuosité entre ses deux hommes, et qu’elle se repliait sur elle-même pour garder sa dignité. Son jeu incarne une certaine malice en même temps qu’une inquiétude permanente et maniérée. Enfin la scène de séparation, parodie de la mort d’amants tragiques achève la boucle.
Les changements de décors entre les scènes pour dévoiler les différentes temporalités sont représentés par des réagencements du mobilier et des changements de couleurs, ainsi que des petites mutations dans les costumes. Ce procédé crée un certain rythme, il donne à voir avec efficacité le déroulement des échanges et l’évolution des personnages. De plus, les costumes ont quelque chose à voir avec les années 50, ce qui donne au travail de la troupe une inscription dans la société bourgeoise du Xxème siècle, élément sur lequel ils peuvent surenchérir avec leurs jeux d’acteurs, ce qu’il exploitent parfaitement.
En définitive, la troupe exécute ici son troisième Avignon. Après avoir joué la Panne de Dürrenmatt pendant deux ans, la compagnie des éparpillés nous offre une nouvelle pièce à son répertoire, en nous présentant un véritable moment de théâtre, qui montre une nouvelle fois que leurs talents ne se tarit pas et ne fait que s’agrandir avec l’expérience et dans la recherche et l’exigence de véritables textes dramatiques… L’Alchimie du Verbe ne peut que vivement recommandé cette jeune troupe dèja bien installée en Avignon et qui promet encore de beaux jours devant elle !