Au Cloîtres des Célestins jusqu’au 22 Juillet
L’histoire se passe en Antarctique, dans un espace vide, où les chercheurs cherchent désespérément à percer et à forer de la glace pour atteindre un lac sans jamais y parvenir. Ce lieu, c’est aussi la métaphore d’un horizon poétique et humain inaccessible, le seul lieu sur terre où faire œuvre d’homme est une absolue nécessité. Cette fugue vers un lieu hostile est aussi l’occasion pour les personnages de se libérer des affres d’une vie occidentale qui s’atête à la dissolution des mœurs et de l’identité nationale. Pour chacun des personnages, le fait d’être chercheur est un prétexte, une consolation pour se dire que cette aventure vaut le détour et le déplacement, que tout cela n’est pas vain.
Pour créer de la distance avec ces personnages, qui sont en quête d’humanité, ils s’expriment par une musique blêmissante qui recouvre l’espace de leurs instruments et de leurs voix sensibles.
Le metteur en scène a su créer un entre-soi à l’humour pittoresque, qui fait fi de toutes les banalités salaces et essentielles, de veilles blagues, mais qui dans la dynamique du spectacle crée une consistance abalourdie et régénératrice, où le rire et la musique s’entrelacent en un nœud qui fait naître une dramaturgie enivrante dont la puissance révèle la pusillanimité des personnages, qui trouvent leurs apparats les plus précieux, non pas dans leur individualité propre, mais dans le sentiment qui surgit de la musique, cette sensation de plein d’une parole sacrée qui vient évoquer une souffrance intérieure, qui vient forer un espace de liberté créatrice et de pulsions intimes à l’intérieur des contradictions humaines.
Le spectacle interroge aussi nos projets, il nous montre des chercheurs, dont le seul but n’est pas de faire des découvertes, mais de faire surgir l’humain qui est en eux, et qu’ils ne parviennent pas à faire surgir, autrement que dans une communication prototypique de banalités et d’exsangues controverses.
L’humain naît dans le geste, dans la compromission des corps dans l’étroitesse de leur désir. L’espace au dehors est vaste, mais la maison dans laquelle ils vivent est une petite cabane exiguë, et cette promiscuité des corps crée une chaleur indolente. Le désir dès lors devient physique et la poésie des corps s’exprime dans cette idolâtre concomitance entre la musique qui révèle les tréfonds d’une âme tourmentée et l’humour fracassant qui tourne en dérision la prétendue acuité de l’homme à se croire inexpugnable.
Cette représentation forme ainsi un spectacle drôle, qui sous le fard d’une dérision totale et entière (qui a certains égards peut nous évoquer ces petites troupes de villages amateurs qui s’amusent avec de nombreux gags). Ce spectacle nous plonge dans notre enfance, avec ceci de plus que la beauté du texte transmet une poésie incantatoire sur la nécessité de ne pas se fuir, que cette fugue est un moyen de communion avec la nature et les hommes, et que la musique fait briller cet adjuvant qu’est l’espoir.