Le Festival nous a cette année offert de grandes surprises, et parmi l’ensemble des spectacles, nous avons pu en voir quarante deux, pour le membre le plus actif de la revue et une vingtaine pour les autres membres. Les représentations furent pour chacune d’entre elle un vrai plaisir, et le travail très subjectif de la critique nous est apparu essentiel. La critique cherche à puiser aux sources mêmes du théâtre, je suis resté proche de ces racines et j’ai voulu étudier comment les compagnies aujourd’hui peuvent nous faire entendre les grands textes d’auteurs, et la place de la littérature dans la représentation théâtrale.
J’ai toujours chercher à comprendre le texte et la scénographie, par rapport à ma sensibilité et à mes inclinations. Nous avons eu la chance de voir des spectacles d’une exceptionnelle maîtrise, du grand art en somme ; et puis il y a eu des bijoux, mais afin de ne pas tomber dans une extrême banalité, L’alchimie du verbe va délivrer son verdict dans un top trois certes malingre mais propre à extirper de nos émotions et de nos esprits exténués, l’essence même de notre jouissance:
1- Salomé d’Oscar Wilde dans une mise en scène d’Anastasia Revi par le Theater Lab Company au Théâtre des Amants à 22h15 jusqu’au 18 Juillet
2- El Cid d’après Pierre Corneille par l’AIDAS dans une mise en scène de Danuta Zarazik à la cour du Barouf du 12 au 27 Juillet
3-Apocalypse Quartett : Quartet de Heine Müller par le théâtre des sens au théâtre des Italiens à 22h00
Quant à notre coup cœur, pour une modeste mais néanmoins hilarante représentation, pleine d’avenir et d’énergie, La Panne de Friedrich Dürrenmatt dans une mise en scène de Fabien Buzenet par la compagnie les Éparpillés à L’albatros théâtre du 5 au 27 Juillet à 20h45.
Cette sélection est purement arbitraire et abstraite, mais ce furent les représentations où le temps s’effaçait, où le monde perdait ses limites, et où la cruelle perfidie et ignominie des valeurs humaines dévoilait sa simiesque haleur, et son hasardeuse concupiscence.
Le désir des êtres lorsqu’il consume tout, trouve sa plus belle représentation au théâtre par le fait même qu’il puisse s’exprimer sous forme d’une impulsion donnée par le jeu et la scène, qui tend à le rendre universel, et qui comme Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès ( joué par la compagnie Vertigo au théâtre de l’adresse à 19h30), se termine par une lutte acharnée. Cette lutte contre la mort même constitue une étincelle sans flamme, une turgescence sans défloration, une véritable poésie du devenir qui chancelle sur les embûches de l’existence passée et de la présence pusillanime de l’amour incapable de contenter présentement les aspirations scélérates et salaces des personnages, transfiguration implacable et apocalyptique de l’homme.
Pour reprendre Artaud, le théâtre est bien là pour nous montrer cette fatalité de l’homme et la cruauté qu’ils exercent les uns envers les autres, à nous dévoiler cette cruauté bien au delà même de celle qui est à la base même de l’existence et dont on ne peut réchapper intact.
Si par bonheur, le spetacteur sort indemne d’un spectacle, le théâtre n’a pas rempli son rôle et son fondement de miroir de contestation politique dans lequel l’homme peut trouver l’expression cruelle de la violence, rapportée à l’universel puissance incantatoire de la parole, dans la destruction et la dénonciation indubitable de la société humaine et de ses horreurs les plus visibles et les plus enfouies.
Le théâtre révèle cela à l’homme, et c’est dans les fondements même de cette cruauté que le théâtre puise son suc pour en détruire le venin. Le théâtre n’est pas seulement qu’un vain divertissement, c’est le lieu où les conflits de l’humanité prennent tous leurs sens, c’est l’espace où la pensée déborde des cadres diffamants de la superstition et de la politique superfétatoire de notre quotidien délétère. C’est ce théâtre là qui a encore une chance de pousser le monde à des changements radicaux, c’est ce théâtre là qui élabore et imagine dans l’ombre, les germes de l’espérance et la beauté éternelle de l’humanité, où la décadence s’amenuise par la grandeur même de l’homme, capable des luttes les plus difficiles pour conquérir ses droits et sa dignité.
Le théâtre se doit d’être le porteur de ce germe, ce germe qui nous émeut et nous montre la déliquescence même du monde. En cela, L’enfant de demain dans une mise en scène d’Arnaud Churin à la Chapelle du Verbe Incarné à 18h20 est d’une clarté abasourdissante et nous montre bien les rouages de cette cruauté à l’œuvre.
Nos critères sont empreints d’une volonté d’un théâtre engagé, l’ensemble des pièces que nous avons vu s’y prêtent assez aisément, mais certaines ne furent pas très convaincante, voir même d’une navrante nullité.
L’Alchimie du verbe vous remercie de votre attention de lecteur et de votre fidélité, et nous remercions chaleureusement toutes les compagnies qui nous ont accueilli et le service de presse du festival OFF.
En attendant, à l’année prochaine !