Critique de spectacle

Mickey le Rouge d’après le roman de Tom Robbins dans une adaptation et une mise en scène de Thomas Condemine par le TPN-Théâtre (Vu à Dijon pour Théâtre en Mai)

L’ensemble est d’une robustesse presque mécanique qui détruit l’identité de chaque personnage derrière des artefacts innombrables et stériles. Les comédiens se meuvent au milieu d’un plateau dont chaque élément de décor, du moins une grande partie, ne comporte aucune marque d’esthétisme.

Le syncrétisme très étrange du décor entre d’une part l’évocation d’un palais de conte de fée mais déjà empreint d’une déchéance sanguinolente sans doute symbolisée par la gravure projetée sur un écran en fond de scène et le revêtement du décor lui même, ainsi que la superposition d’objets électro-ménager qui pourrait évoquer la structure d’un palais de conte de fée, et d’autre part les empreintes d’une période plus actuelle comme les variations psychédéliques sur l’écran, l’usage d’un dispositif vidéo, la télévision…

Le décor est d’emblée trop surchargé, l’élément le plus calamiteux est sans conteste le palmier qui s’abaisse pour évoquer un univers insulaire. Autant la simplicité du centre du plateau crée un véritable espace de jeu avec l’usage très pratique du lit et d’une table, autant le reste du plateau est imprégné d’une lourdeur qui étouffe l’espace et ne donne aucune sensibilité à la fable en elle même.

L’écran qui révèle un ensemble de néons qui évoque une éventuelle déconstruction de l’espace intervient sans aucune subtilité et avec une balourdise sans nom. Dans la dernière partie du texte, l’évocation d’un pays des émirats avec la reproduction sur l’écran des pyramides et d’une maquette est bien symptomatique de cet engrenage d’une mise en scène sarmenteuse et farouchement impulsive.

L’usage du dispositif vidéo est assez révélateur de cette inélégance de l’ensemble scénique et ne produit aucun effet réel sur l’identité des personnages, à part peut être pour symboliser une forme d’espionnage. Les variations et les différentes modulations et effets visuels qui apparaissent à différents moments sur l’écran n’ont pour effet que de réveiller les sens du spectateur et de créer une certaine forme d’étonnement, elle renforce d’autant plus le flou artistique de l’ensemble de la pièce, qui manque de performativité.

Quant à la fable, elle se révèle beaucoup trop longue, la première partie du spectacle était une vraie performance, d’une très belle facture, tant au niveau des comédiens que de l’adaptation. On peut dire qu’à l’instant où Mickey le Rouge et Leigh-Chéri rentrent d’Hawaï, le spectacle s’enfonce de plus en plus dans un abîme superfétatoire et fébrile derrière des relents d’énergies, des mouvements épars et incontrôlés, qui font de la folie géniale et généreuse des premiers tableaux, une perte d’efficacité de plus en plus caractérisée et une surenchère désespérée doublée d’une tentative malheureuse et presque bornée de terminer et de poursuivre l’histoire jusqu’à son déroulement final.

Le problème ne vient pas tant de l’atmosphère burlesque et profondément sibylline, il vient de la succession et des enchaînements des parties entre elles avec la vacuité du jeu et de l’attitude de certains comédiens. En effet, Les comédiens ne jouent pas assez avec leurs corps, ils savent le montrer et utiliser d’innombrables déguisement pour interpréter les différents personnages, mais cela ne donne aucune ampleur dramaturgique au spectacle.

L’effervescence de la nudité comme un acte de monstration et de libération perd toute signification, tant l’utilisation du nu chez la comédienne Lisa Kramarz ne se révèle être d’aucune utilité à part peut être pour montrer ce mélange de stupre et de sucre dont parle les personnages dans la pièce… Cette expression du nu finit par devenir lassante et redondante, d’autant que la comédienne en se dévoilant ainsi et d’une manière aussi brutale, se fait violence à son propre personnage qui perd toute poésie et toute candeur, à tel point qu’on ne croit plus du tout à son personnage, ni même à la fable dont on attend patiemment la fin sans qu’elle n’arrive jamais.

L’ensemble forme ainsi l’ébauche de ce qui pourrait être un très bel ouvrage théâtral, mais il reste à la compagnie beaucoup de travail pour élaguer leur composition et pour faire un spectacle où le spectateur pourrait jouir autant que les comédiens sur scène. Une représentation à tâtons, courageuse mais qui sombre après une heure de délice, dans les catacombes de l’ennui.

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